King
A quelques kilomètres de Lyon,
à Miribel plus exactement,
naquit le 5 janvier 1989
celui qui fut mon fidèle compagnon.
A cette époque, je n'avais pas encore
dans mon esprit l'idée de traverser
l'Atlantique en cycle des mers,
elle me viendra six ans plus tard en 1995,
toujours au mois de janvier. |
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Je voulais un Berger allemand, ayant la chance d'habiter dans un petit
village haut savoyard, entouré de champs et de bois, où il pourrait
s'en donner à coeur joie en m'accompagnant dans mes randonnées pédestres et mes footings.
Je me rappellerai toujours ce moment, où assis dans
la salle de l'Elevage des "Nacrés de Vénus", j'attendais que le propriétaire
ouvre la porte pour laisser entrer les fauves surexcités.
On était au mois d'avril, la portée de chiots avait trois mois.
Les jappements se rapprochaient de plus en plus, j'avais le coeur
serré, car c'était mon premier chien (chez mes parents il n'y avait
eu que des chats, malheureusement écrasés avant leur
belle mort).
J'angoissais déjà en pensant que je pourrais le faire
souffrir en le séparant de sa famille.
Je n'eus pas le temps de répondre
à cette question, que déjà le flot de couinements envahit le vestibule,
puis la salle. Je dirais presque la salle de torture, car pour moi
il fallait choisir.
Je ne savais pas où donner de la tête, les petits canidés filaient
droit sur cette nouvelle odeur pour eux que je dégageais. M'ayant
bien "truffé", ils repartirent dans les recoins de la pièce pour s'allonger
de tout leur long sur le carrelage, me laissant seul, un peu frustré.
Ma déception ne dura que quelques secondes, je ne fis plus attention à ce désintérêt collectif, car il était là
!!!
Rentré parmi les derniers et chahuté par la horde qui maintenant roupillait
autour de moi, celui que je voulais, celui que j'avais rêvé était
devant son futur maître. Pour tout dire, il était partout, il sautillait
devant, sur les côtés, passait derrière en aboyant, revenait, mettait
ses deux pattes avant sur mes genoux comme pour me dire emmène moi.
Et je le pris, j'étais venu choisir un chiot et le chiot m'avait
choisi, c'était écrit! |
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Berger allemand à poil mi-long baptisé Edouard des "Nacrés de Vénus",
car c'était l'année des "E", je le rebaptisais "KING", en pensant à ELVIS! |
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Les années passèrent, mon KING fidèle comme une ombre me suivait partout,
en vacances en Alsace, d'où il ramena des compagnons de route très
tenaces, le vétérinaire m'apprit que c'étaient des tics.
A la pêche
à la truite, d'où il ramena non pas un poisson, mais un hameçon planté
dans sa langue, le vétérinaire m'apprit que c'était un triple.
Même en Charente-Maritime il voulut me suivre au sommet d'une tour médiévale,
dont l'accès n'était possible que par un escalier en colimaçon très étroit et
surtout en fer quadrillé, que les chiens habituellement ont en horreur.
Que voulez-vous, il était Capricorne comme son maître, tenace à l'extrême. Tenace, mais pas
courageux à l'extrême le bon KING, un peu trop de vent, du tonnerre
ou l'avalanche du toit qui tombe et le voilà paniqué au point de
déchirer les rideaux de la salle à manger pour sortir, si par malheur
j'étais parti en l'abandonnant.
Mais tous ces petits tracas ne sont rien quand je pense à toute la patience
qu'il a dévoué à mon projet, car je n'étais pas fier de le laisser
après toutes ces années de complicité. Heureusement que mes parents
étaient là pour le prendre en pension, même le chat "Gribouille" l'avait adopté. |
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Il faut dire qu'avant de partir pour
mon périple, je l'avais habitué
petit
à petit à mon absence, construisant
moi-même mon cycle des mers sur
les rives suisses du Léman,
où je restais des semaines entières.
Non je n'étais pas fier lorsque le jour
du grand départ arriva, bien
sûr
j'étais triste de quitter ma famille
et mes amis, mais avec eux
je pouvais
encore communiquer par téléphone
avant de prendre la mer,
pour le côté vélo
du trajet et plus tard des Canaries
aux Antilles,
par le biais de
mes amis les cibistes. |
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Mais King, que penserait-il
de moi ? Croirait-il que je puisse l'abandonner ?
On m'avait dit que les chiens n'avaient
pas la même notion du temps que nous, que le temps pour eux passait
plus vite, cela me soulageait un peu.
Aimant les animaux autant que moi, mes parents s'occupèrent merveilleusement
bien du "ROI", jamais il ne perdit l'appétit comme je le craignais.
Il savait que tôt ou tard, peut-être entre chien et loup, je reviendrai
et l'emmènerai dans nos ballades au bord de la rivière.
Les mois passèrent avec leurs bonnes et mauvaises surprises pour mon
projet. En 1998, après deux échecs, je réussis la traversée entre
le Portugal et les Canaries, puis entre les Canaries et la Désirade
(Guadeloupe).
Plus de sept mois sans rentrer chez moi, heureusement
que la communication a été présente pour prendre régulièrement des
nouvelles de tout le monde.
La réaction de King lors de mon retour en été 1999 fut des plus comiques,
tout d'abord il me fit la fête comme lors de son adoption, puis il
me fit la gueule en m'ignorant complètement, comme pour me dire qu'il
n'avait pas du tout apprécié que je le laisse tomber aussi longtemps.
Je ne sais pas si c'est une conséquence, mais quelques jours plus
tard, je dus l'emmener chez le vétérinaire pour une opération de l'intestin.
Personne d'autre que moi ne pouvait le
faire tenir tranquille une fois monté sur la table du véto, car avant
cela il fallait déjà le sortir de la voiture et obliger ses 30 kilos
de muscles à obéir, ensuite il fallait le rassurer avec des mots glissés
à l'oreille et des caresses apaisantes.
C'est qu'il en avait des souvenirs avec son copain en blouse blanche mon toutou.
Quand j'évoque ces souvenirs, il me vient toujours une boule à l'estomac.
Je revois mon KING impuissant sur la table d'opération, sa patte droite
couverte de sang de l'intraveineuse et sa tête posée sur mon avant
bras, refusant de fermer les yeux comme pour me supplier une dernière fois.
Il fallait toujours que je sois sûr qu'il dorme comme un bébé pour
le laisser entre les mains du chirurgien, en priant pour que tout
se passe bien.
Et tout se passa pour le mieux, l'opération fut un
succès, King y laissa quelques poils, moi quelques plumes que je pus
heureusement payer en plusieurs fois, mais le principal c'est que
mon loup se remis bien vite de ses émotions, après avoir digéré son
anesthésie et ravalé sa rancune. |
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Ayant passé plusieurs mois avec lui, pour me faire pardonner, je relève
le défi de retraverser l'Atlantique une deuxième fois à bord de mon
cycle des mers "My Way", au mois de janvier 2001, en promettant à KING de
faire le plus vite possible.
Promesse tenue, je traverse en 88 jours
entre les Canaries et la Martinique au lieu des 117 jours précédemment.
Je m'accorde quelques semaines de repos sur les Antilles et profite
de faire des conférences dans les écoles avant de reprendre l'avion.
Mais de retour chez moi, les excuses n'ont pas l'air d'être suffisantes pour le KING qui
cette fois ne daigne même pas se lever pour m'accueillir, en raison
aussi certainement de ses reins qui commencent sérieusement à le faire
souffrir. Il a maintenant douze ans.
Comme après la première traversée je dois l'emmener chez le vétérinaire, d'une part pour son vaccin et
d'autre part pour son état général qui n'est pas au beau fixe. Les
analyses de sang et d'urine se révéleront pas trop mauvaises étant
donné que le véto craignait une possibilité de tumeur. Une bonne dose
d'antibiotiques et un traitement anti puces (il avait une petite infection),
viendront à bout de ses maux.
Aujourd'hui 13 août 2001, au moment où j'écris ces lignes, je suis en pleine préparation pour ma prochaine
aventure, qui sera de rallier la Martinique aux Etats-Unis avec My Way.
Un périple de plusieurs mois encore à préparer avec le plus grand
soin et qui devrait, je l'espère, m'emmener à Memphis sur la tombe
du KING ELVIS pour lui rendre un hommage.
Mon KING je dois repartir et tu
dois m'attendre sans baisser les pattes, car nous avons encore de
belles années pour nous balader près de la rivière, même si les ans
commencent à peser sur tes reins, je serai là pour t'encourager et
te porter s'il le faut. |
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Ne me laisse pas tomber mon KING, mon compagnon de route qui me comprend d'un seul regard et partage mes joies et mes peines.
Même quand je serai loin, je serai près de Toi et si tu me fais la gueule quand je reviendrai, tu pourras toujours me dire, Toi qui me connais mieux que personne, "Tel maître, tel chien".
A l'instant même où je finissais de lui écrire son poème
"Mon King", il leva les yeux vers moi...une dernière fois.
Comme Elvis, il s'en est allé au mois d'août.
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