La Fée Verte
Je dois vous raconter
Tout ce qui s'est passé
Pendant la transhumance
Dans un petit village
Entouré de pâturage
Aux frontières de la France
On est au mois d'octobre
Et tous loin d'être sobre
On fête la désalpe
Même s'il ne fait pas beau
Que la pluie coule à flot
Sur cette partie des Alpes
On a sorti l'absinthe
De derrière les fagots
Et rempli les pintes
Que l'on boit à gogo
Sur la place du marché
Où les stands sont montés
Chacun vantent son terroir
Et sous le chapiteau
Tous l' monde se tient au chaud
Pour manger et pour boire
C'est là que le vieux Léon
Avec l' accordéon
Rythme la cadence
De leurs coups de fourchettes
Et buvant la fée verte
Qui vous met en transe
On a sorti l'absinthe
De derrière les fagots
Et rempli les pintes
Que l'on boit à gogo
Les filles sont guillerettes
Sautant comme des chevrettes
Qui excitent tous les gars
Elles montrent leurs guêpières
Comme aux folies bergères
Et ça malgré le froid
Devant toutes ces gambettes
Et seules avec ses bêtes
Pendant ces derniers mois
Voilà que le Célestin
Son outil à la main
Se trouve être aux abois
On a sorti l'absinthe
De derrière les fagots
Et rempli les pintes
Que l'on boit à gogo
Quand le taureau voit rouge
Il fonce sur tout s' qui bouge
Et file ventre à terre
L'œil rempli de désir
Il se met à mugir
Aussi nu qu'un gros ver
Devant l' troupeau de vaches
Il se frise les moustaches
Mais il fait de la peine
A courir le cul nu
Montrant ses attributs
Il fait honte à sa reine
On a sorti l'absinthe
De derrière les fagots
Et rempli les pintes
Que l'on boit à gogo
En retroussant les jupes
Faut dire qu'il était dupe
Il tomba sur le curé
Qui cria « Ô Seigneur »
En sentant sa ferveur
Et se mit à blasphémer
Afin de les séparer
C'est la maréchaussée
Au nom de la loi
Après avoir bien ri
Et vissé leurs képis
De mettre le holà
On a sorti l'absinthe
De derrière les fagots
Et rempli les pintes
Que l'on boit à gogo
(La Fée verte. Copyright © Didier Bovard 2012)
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